PLOÏDIE

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PLOÏDIE

Toute cellule vivante possède dans son noyau un certain nombre de chromosomes, dans lesquels sont contenues les molécules d’acide désoxyribonucléique (ADN) qui forment le matériel génétique de l’organisme. Celui-ci est comparable à un document dans lequel sont consignées, sous une forme codée, toutes les opérations que peut réaliser la cellule. Il est en fait relativement exceptionnel que le document n’existe qu’en un seul exemplaire. L’ensemble des chromosomes est, le plus souvent, formé d’un certain nombre de répétitions d’un lot initial, qui contient la totalité des unités génétiques.

Le terme «ploïdie», précédé d’un préfixe précisant le nombre de répétitions, est utilisé pour désigner les différentes situations rencontrées. L’haploïdie correspond à l’absence de répétitions et le lot fondamental de chromosomes est qualifié d’haploïde. La diploïdie, la triploïdie, la tétraploïdie, etc., représentent alors les degrés successifs de ploïdie, le mot «polyploïdie» étant utilisé pour désigner collectivement les degrés supérieurs à la simple diploïdie.

Il existe, d’autre part, des cas où le nombre de répétitions n’est pas le même pour les différents chromosomes du lot haploïde. L’un d’entre eux est, par exemple, présent soit en trois exemplaires (trisomie), soit en un seul (monosomie), alors que les autres sont à l’état diploïde. Le terme «aneuploïdie» couvre l’ensemble des situations de ce type, en s’opposant à «euploïdie» qui correspond aux degrés réguliers de ploïdie.

Les deux premiers degrés de ploïdie sont de beaucoup les plus répandus. Ils se rencontrent l’un et l’autre à l’occasion de la reproduction sexuée de la plupart des organismes. Un aspect essentiel de celle-ci, en effet, est l’alternance, au cours du cycle, d’une phase haploïde (n ) et d’une phase diploïde (2 n ; cf. ALTERNANCE DE PHASES). Chez les plantes supérieures et les animaux, la masse de l’organisme est normalement construite de cellules diploïdes et l’état haploïde n’apparaît qu’avec la formation des gamètes.

La polyploïdie n’est toutefois en aucune façon une situation rare. Elle peut tout d’abord se présenter comme une modalité de la différenciation cellulaire. On rencontre des cellules polyploïdes dans certains tissus d’organismes développés à partir de zygotes diploïdes. Il existe aussi dans la nature, et l’on peut produire artificiellement, des individus polyploïdes ou aneuploïdes. Certains types de polyploïdes génétiquement stables constituent des populations entièrement formées d’individus polyploïdes. Ce sont en fait des espèces distinctes des espèces diploïdes à partir desquelles elles ont pris naissance; la polyploïdie a joué ainsi un rôle dans l’évolution, surtout dans le règne végétal.

Mutations modifiant la ploïdie

La reproduction cellulaire, ou mitose, n’apporte normalement aucun changement à la garniture chromosomique des cellules, et les processus caractéristiques de la reproduction sexuée, méiose et caryogamie, se bornent à assurer la transition régulière de l’état diploïde à l’état haploïde et vice versa. Divers événements peuvent en revanche entraîner des changements variés dans la ploïdie; on les nomme mutations du génome [cf. MUTATIONS].

Un type fréquent de mutations du génome est le doublement du degré de ploïdie. Ce changement peut s’accomplir grâce à une mitose anormale qui est amputée de la phase au cours de laquelle se produit la séparation des deux lots de chromosomes fils (anaphase). On passe alors directement de la métaphase à une télophase au cours de laquelle un noyau unique se reforme en englobant la totalité des chromosomes. Si l’on est parti d’une cellule diploïde, ce noyau devient tétraploïde.

Des mitoses exceptionnelles de ce type se produisent spontanément dans certains tissus au cours du développement de quelques organismes. C’est ainsi que, dans l’espèce humaine, une fraction des cellules du foie sont tétraploïdes. Ces mêmes mitoses exceptionnelles peuvent être provoquées par divers traumatismes. On a découvert, en outre, que, surtout dans les tissus végétaux, certaines substances les produisent systématiquement. La plus connue est la colchicine (alcaloïde extrait du Colchicum automnale ).

Une autre forme d’accident assez fréquente conduit à l’aneuploïdie. Il s’agit de la non-disjonction méiotique: échec de la séparation des deux éléments homologues d’une paire chromosomique au moment de la méiose. À la suite de cet accident, on trouve des gamètes, puis des zygotes, à la garniture chromosomique desquels il manque un chromosome ou qui en présente, au contraire, un en excès. Les enfants mongoliens, qui possèdent un chromosome surnuméraire, sont le résultat d’une semblable non-disjonction.

Les conséquences phénotypiques des changements de ploïdie

Une modification du degré de ploïdie n’introduit pas de différence fondamentale dans le matériel génétique des cellules: les mêmes gènes sont présents avec les mêmes doses relatives.

Corrélativement, on peut observer que les polyploïdes sont généralement viables et diffèrent peu des diploïdes correspondants. Les différences éventuelles dépendent de la taille des cellules, qui croît avec le degré de ploïdie. Ce gigantisme cellulaire entraîne souvent un gigantisme comparable pour certains organes qui restent construits avec le même nombre de cellules. Tel est le cas pour les pièces florales des végétaux. Cette propriété trouve son utilisation en horticulture ; un grand nombre de plantes ornementales introduites dans nos jardins modernes sont des polyploïdes obtenus artificiellement, grâce notamment à la colchicine.

La relative indifférence des caractères de l’individu vis-à-vis du degré de ploïdie contraste vivement avec la situation observée dans les cas d’aneuploïdie. Les zygotes à garniture chromosomique aneuploïde ne sont généralement pas viables et, lorsqu’ils le sont, ils donnent naissance à des individus anormaux (cf. MALFORMATIONS CONGÉNITALES et HOMME - Caryotype humain).

Reproduction sexuée des polyploïdes

Le déroulement de la méiose est toujours plus ou moins perturbé chez les polyploïdes. Lorsque plus de deux éléments homologues sont présents, la tendance des chromosomes à s’apparier par deux, par rapprochement de leurs régions homologues, et à former des chiasmas conduit en effet, à la métaphase de la première division, à des dispositions variées [cf. MÉIOSE]. Les quatre chromosomes homologues d’un tétraploïde, par exemple, peuvent soit rester associés en un seul groupe de quatre (tétravalent), soit former deux bivalents, soit, plus rarement un trivalent et un monovalent (cf. figure). À l’anaphase, les structures polyvalentes se dissocient de manière variée, d’où toute une gamme possible de garnitures chromosomiques pour les gamètes.

Ce comportement des chromosomes a une répercussion directe sur la fertilité et la stabilité génétique des polyploïdes. Les triploïdes, et d’une manière générale les polyploïdes impairs, sont toujours fortement stériles. Chacun des groupes de trois chromosomes se dissocie en effet normalement en deux et un, d’où la production de gamètes à garniture presque toujours aneuploïde, avec un effectif de chromosomes intermédiaire entre le nombre haploïde et le nombre diploïde. Les polyploïdes pairs sont, au contraire, généralement assez fertiles. Chez les tétraploïdes, par exemple, les groupes de quatre se dissocient fréquemment en deux et deux, d’où des gamètes diploïdes et des zygotes tétraploïdes comme leurs parents.

Allopolyploïdie et rôle de la polyploïdie dans l’évolution

L’installation de l’état polyploïde est l’un des processus qui, au cours de l’évolution, a donné naissance à de nouvelles espèces. Il apparaît clairement que ce processus est intervenu fréquemment dans l’histoire récente des plantes vasculaires, surtout sous la forme de la production d’allopolyploïdes.

Par rapport aux autopolyploïdes, qui correspondent à ceux qui tirent origine d’une espèce unique, on qualifie d’allopolyploïdes les polyploïdes qui dérivent d’hybrides entre espèces voisines. Dans le règne végétal, ces hybrides, lorsque leur garniture chromosomique ne contient que les lots haploïdes des deux espèces parentes, sont souvent viables et même vigoureux, mais restent stériles, parce que les chromosomes des deux espèces ne réussissent pas à s’apparier au moment de la méiose. Le doublement du nombre des chromosomes donne alors naissance à un allotétraploïde, dans lequel les chromosomes existent par paires régulières d’éléments homologues. L’allotétraploïde est fertile et génétiquement stable.

Il est actuellement facile de provoquer la formation aussi bien d’autopolyploïdes que d’allopolyploïdes et c’est là l’origine de bon nombre de plantes horticoles d’obtention récente. Des espèces cultivées très anciennes sont également polyploïdes. La plus importante est le blé panifiable, Triticum sativum , qui est un allohexaploïde, dont les quarante-deux chromosomes représentent la juxtaposition de trois garnitures diploïdes de quatorze, qui dérivent de trois espèces différentes de Graminées. Le blé n’existe pas à l’état sauvage, mais son apparition remonte aux tout premiers temps de l’agriculture.

Lorsque l’on compare les garnitures chromosomiques d’un groupe d’espèces sauvages voisines – celles, par exemple, que l’on rassemble dans un même genre –, on s’aperçoit fréquemment qu’elles forment ce que l’on appelle un complexe polyploïde. Dans le groupe on rencontre, en effet, tout d’abord une ou plusieurs espèces dont le nombre haploïde présente une certaine valeur minimale de base; elle est par exemple de sept chez les Graminées rattachées aux Céréales et a été conservée chez le seigle, parmi les espèces cultivées. Les autres espèces du groupe ont un nombre haploïde qui est un multiple de ce nombre de base, et sont donc manifestement des polyploïdes.

Les cas d’installation récente de l’état polyploïde sont, par contre, assez rares dans le règne animal. Les plus connus s’observent dans les espèces qui se reproduisent par parthénogenèse obligatoire et dans lesquelles, par conséquent, les mâles ont disparu et la méiose est devenue anormale [cf. PARTHÉNOGENÈSE EXPÉRIMENTALE]. L’exemple classique est le Crustacé Branchiopode Artemia salina , dont il existe à la fois des races diploïdes et des races polyploïdes qui ont des habitats géographiques différents.

ploïdie nom féminin Nombre de garnitures chromosomiques simples d'une cellule ou d'un individu, exprimé par le symbole N.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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